L’art, suggère le philosophe français Jacques Derrida, dépend de son cadre ; celui d’un tableau, par exemple, définira ce qui peut être vu. Suivant ce raisonnement, Alexandra Bachzetsis propose avec « Private Song » un nouveau « cadrage » comme stratégie de perception. Le but : questionner, souligner ou neutraliser la relation des spectateurs aux corps en mouvement sur scène. Pour cela, elle s’appuie sur des sources de prime abord hétérogènes, confrontant les voix et les gestes codifiés des rebetiko grecs à la lutte, aux modèles hollywoodiens et à une histoire visuelle de l’amour et de la guerre. Sur un damier, solo, duo, chants et trios s’enlacent. Mais les corps, bien qu’attirés l’un par l’autre, se ratent et se mésinterprètent, incapables d’une étreinte. Car ce qui est acceptable ou non délimite également les possibilités d’action dans un contexte donné. Usant d’une mise en scène fantasmagorique, « Private Song » met en place un dispositif canalisant la perception et l’affect qui influence la position du spectateur.